Association romande de football féminin (ARFF)1
Depuis 1967, deux équipes féminines de football sont actives à La Chaux-de-Fonds et s’y rencontrent chaque année. Celle de la Migros apparaît en 1964 dans une composition inconnue. Ses membres anonymes se sont d’abord aguerries en affrontant le onze masculin du magasin à deux reprises. Elle a trouvé ensuite un équivalent du même sexe, formé parmi les employées et clientes du Bar à Léo Eichmann. Renforcée par la Valaisanne Madeleine Boll, la Migros a remporté 4 à 2 une première partie, disputée aux Éplatures le 7 juin 1967. Parmi les joueuses citées trois portent un patronyme qui indique une origine jurassienne probable (Françoise Chételat, Jocelyne Froidevaux, et Geneviève Chapatte) ou possible (Francine Mathez, Arlette Ducommun).
Les deux formations se retrouvèrent l’année suivante à deux reprises, la première le 12 juin sur le terrain de Floria-Olympic à la Charrière. Une seconde rencontre les opposa le 4 août à Granges (VS), où habitait Madeleine Boll. Les deux matchs furent à nouveau remportés par les dames de la Migros, surtout grâce à leur vedette valaisanne. À l’exception de Jocelyne Froidevaux, on retrouve nos “jurassiennes”, accompagnées de trois autres (N.N. Duc, Mireille Jeanmaire et Christiane Racine) qui pourraient être de même origine. Les deux équipes disputèrent un dernier match le 4 juin 1969, gagné encore une fois par la Migros 4 à 1. De nouveaux noms apparaissent dans des contingents passablement renouvelés, dont trois avec un patronyme jurassien: Yolaine Beuchat, Marie-Claude Vuille et Nicole Liègme. Ces trois parties furent arbitrées par Gilbert Droz, arbitre international, qui comme Léo Eichmann, apporta son soutien au football féminin dans le canton de Neuchâtel.
Ces rencontres firent des émules en Suisse romande alors que, du côté alémanique, se constitue le Damenfussball Club Zurich (DFCZ) le 11 avril 1968. Une nouvelle équipe féminine neuchâteloise voit le jour à Boudry à peu près au même moment. Elle est mentionnée pour la première fois en juin, à l’occasion d’un match qui l’oppose le 26 au onze de la Migros-La Chaux-de-Fonds, au stade des Jeannerets du Locle. Mais les Boudrisanes ne sont probablement pas des novices car elles ne s’inclinent que 2 à 1 contre une équipe expérimentée (mais privée de Madeleine Boll) à l’issue d’une «belle partie», suivie par 1000 spectateurs. On remarque aussi que le onze de Boudry contient une Jurassienne au prénom inconnu (Vauclair) et qu’il a été renforcé avec trois joueuses du Bar à Léo.
Au début de mars 1969, la naissance d’une troisième équipe féminine, emmenée par Mady Boll et coachée par son père Jean, est annoncée en Valais, sous le nom de Sion-Valère. Une quatrième, entraînée par Michel Fleury, voit le jour au même moment à Yverdon. Avec celle de Migros-La Chaux-de-Fonds, ces trois équipes vont participer au premier et unique championnat féminin romand.

Les circonstances exactes dans lesquelles fut fondée l’Association romande de football féminin (ARFF) restent encore largement inconnues à ce jour. On sait seulement qu’à l’issue d’une assemblée, tenue à Neuchâtel en février 1969, un communiqué parut dans la presse neuchâteloise et valaisanne. Il invitait «toutes les sportives désireuses de jouer au football ou de former une équipe ainsi qu’à toutes les équipes déjà formées de prendre contact par écrit». Il émanait d’un Groupement des équipes de football féminin qui s’était fixé comme premier objectif de mettre sur pied un championnat romand, suivant des «modalités» qui devaient être fixées ultérieurement. Pour cela, il fallait d’abord s’arranger avec les équipes existantes ou à venir. On créa dans ce but une commission, formée de deux femmes et de deux hommes: Mme Todeschini (probablement Mme T. T., qui fut par la suite présidente de la section féminine du FC Boudry), Mlle Chételat (très certainement Françoise C., vendeuse diplômée en 1965, membre de l’équipe du Bar à Léo Eichmann de La Chaux-de-Fonds depuis 1967), et MM. Fleury et Grossenbacher (personne non identifiée). L’adresse de contact était donnée à Orges (VD), qui était alors la localité de domicile de Michel Fleury, qui venait de terminer sa formation de libraire à Neuchâtel et qui entraînait l’équipe féminine d’Yverdon.
Le premier match du championnat romand de football féminin se déroula au centre sportif de La Chaux-de-fonds le 10 mai 1969, à l’occasion d’une arrivée d’étape du Tour de Romandie et en attendant les «champions de la route». Il opposa l’équipe locale de la Migros à celle de Boudry. Les visiteuses l’emportèrent sur le score de 1 à 2, notamment grâce à un pénalty «indiscutable, puisqu’au moins trois paires de mains avaient touché le ballon dans les seize mètres». Poursuivant sur le même ton, le journaliste de L’Impartial ne se prive pas d’ironie et de sarcasmes pour commenter la rencontre. Il concluait en faisant mine de souligner deux points positifs. Selon lui, la résistance physique dont les joueuses avaient fait preuve démontrait «qu’elles prennent leur sport au sérieux». En outre, «l’absence de blessées» était signe de leur «sportivité»! Mais l’image prédominante de son commentaire était celle d’une débâcle, autrement plus sanglante: Waterloo.

Ce début mitigé n’empêcha pas la poursuite du championnat, qui se prolongea néanmoins dorénavant dans une certaine indifférence de la presse. Les rencontres mises sur pied le 18 mai ne firent l’objet que de brèves dans de rares journaux. L’Impartial se contenta de mentionner la «belle victoire» de 5 à 0 remportée par Migros-La Chaux-de-Fonds sur Yverdon. De son côté, Le nouvelliste s’étendit un peu plus longuement sur le succès du FC Valère (féminin) qui s’était défait de Boudry sur le même score, notamment grâce à deux buts de Madeleine Boll et un autre de la (Jurassienne?) Nelly Juillard, également auteure de deux passes décisives. Quant à la revanche entre la Migros et Boudry, programmée le 11 juin au stade des Jeanneret du Locle, elle ne fit l’objet que d’une simple et unique annonce dans La Sentinelle du même jour.
La rencontre qui eut le plus grand retentissement fut celle qui opposa l’équipe de Sion-Valère à celle de Migros-La Chaux-de-Fonds. D’après Le Nouvelliste, elle devait marquer le début véritable du championnat féminin romand. Le match, programmé le 15 juin à 15 heures à Sion, sur le terrain de l’ancien stand, fut arbitré par Gilbert Droz, de Marin. L’équipe sédunoise, formée de joueuses venues de tout le Valais, possédait un contingent impressionnant. Outre les onze titulaires, elle comptait pas moins de dix remplaçantes alors que les autres formations n’en avaient au mieux qu’une ou deux. Elle l’emporta facilement 10 à 0 sur celle de La Chaux-de-Fonds, peut-être née de la fusion de la Migros avec le Bar à Léo et entraînée par Eichmann. La partie se déroula «selon les règles usuelles» quoiqu’avec un temps de jeu réduit à deux fois trente minutes.
Deux cents spectateurs «environ» assistèrent à une partie durant laquelle les Valaisannes n’eurent aucune peine «à bousculer une équipe neuchâteloise assez décevante». Le match fut caractérisé «par une lenteur excessive, rendant le spectacle assez peu convaincant» et provoquant des réactions plus ou moins bienveillantes autour du terrain. Le journaliste concluait cependant son article en reconnaissant «à ces jeunes filles le courage d’avoir tenté quelque chose en se singularisant quelque peu».
Un autre match du championnat romand fut annoncé le 12 septembre 1969 dans L’Impartial. Il devait se tenir le 14 à 15 heures aux Éplatures et opposer l’équipe locale de la Migros à celle d’Yverdon. Mais, faute de compte-rendu, on ignore s’il a effectivement eu lieu et quel en fut le résultat. On ne sait pas non plus si la rencontre disputée à Saignelégier entre les équipes de Boudry et de Migros faisait partie du championnat.
L’association romande de football féminin (ARFF) ut constituée à l’issue du championnat disputé par les quatre équipes suisses francophones. Elle vit officiellement le jour le 29 novembre 1969. Elle était présidée par Michel Fleury et comptait aussi Jean Boll parmi ses membres dirigeants. Ses objectifs étaient de promouvoir le football féminin en Suisse et d’établir des contacts avec l’étranger. Le championnat devait permettre d’atteindre le premier but. Pour parvenir le second, L’ARFF mit sur pied une sélection romande, comprenant sept Valaisannes, et envisagea une rencontre “internationale” contre l’équipe alsacienne de Gerstheim. Un autre match prometteur, marquant cette fois une ouverture du côté de la Suisse allemande, fut agendé en Valais. Mais cette (première?) partie entre Romandes et Alémaniques fut finalement annulée, l’équipe zurichoise ayant été stoppée «en cours de route par des pannes mécaniques». En lieu et place les Sédunoises «disputèrent un match en famille».
- Une version réduite de cet article a paru sous le titre « Pionnières jurassiennes du football » dans Le Qutidien jurassien du samedi 9 août 2025, p. 17. ↩︎