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Jeanne Marchand (1868-1931)

On ne connaît pas grand chose de la vie de Jeanne (Élisa) Marchand1. Quelques rares documents et témoignages permettent à peine de fixer le cadre de son existence et d’esquisser son portrait moral. On sait qu’elle est née en 18682, peut-être à Loveresse, d’où elle était originaire. Sa famille y était encore domiciliée, au moulin, en 18743 avant de s’installer à Reconvilier en 18774. Son père Aimé-Louis (1836-19165) avait épousé le 6 avril 1867 à Moutier6 Julie-Élise Vorpe (1831-19157), qui avait hérité de biens à Sonceboz et à Corgémont. Les époux les vendirent en 1870, année de naissance de leur deuxième enfant, Ali8. Ils mirent de même aux enchères sept ans plus tard tout le matériel aratoire et d’autres outils délaissés par Aimé Marchand, devenu chef de gare à Reconvilier9. C’est à cette époque aussi que la famille accueillit Marcel Marchand, un neveu et cousin devenu orphelin de père.

Contrairement aux deux garçons, dont on connaît bien le parcours scolaire et professionnel, on ignore si Jeanne poursuivit une formation au-delà de l’école obligatoire. On sait seulement qu’elle ouvrit en 1887 un magasin de mode situé près de la gare. La publicité qu’elle fait paraître à cette occasion annonce qu’elle propose un grand choix de chapeaux pour dames, fillettes et enfants ainsi que des «fleurs, fleurs mortuaires, plumes, fantaisies, rubans, velours, dentelles, etc.» La réclame précise aussi qu’elle se charge «du blanchissage et des réparations de chapeaux en tous genres10». On peut donc supposer que Jeanne a suivi une formation de modiste ou de vendeuse dans ce secteur. Son commerce s’est-il beaucoup développé ou est-il devenu trop prenant pour elle? Toujours est-il qu’en 1897 elle cherche à engager «pour la saison d’été» une «assujettie modiste»11, équivalent d’une ouvrière indépendante. Quoi qu’il en soit, elle remit son magasin en septembre 1901 à Lydia Bassin12, probablement pour s’occuper de ses parents âgés, puis de son frère, célibataire et de santé fragile, qui décède en 192113, quelques années après eux.

Restée seule, Jeanne renforça son engagement au sein de la paroisse tout en pratiquant discrètement la charité. Dès lors, elle fut l’âme de toutes les bonnes œuvres, employant «son temps et la fortune dont elle disposait à secourir les pauvres de la localité». Chrétienne «agissante», son sentiment religieux «se traduisait peu par la parole, mais en actes». C’est donc unanimement regrettée «chez les infortunés du lieu» qu’elle meurt le 20 juillet 1931 «après une pénible maladie14».

Mais Jeanne Marchand fit preuve de bonté et de générosité au-delà de la mort et de son village. À la paroisse de Chaindon, à l’arrondissement du cimetière, au fonds d’assistance de Reconvilier et aux diverses sociétés de la localité, elle légua 13’000 francs au total. Plus de 20’000 francs supplémentaires furent partagés entre l’hôpital de district à Moutier, l’asile Mont Repos à La Neuveville, l’œuvre des Petite familles à Tramelan, la Maison blanche d’Évilard et d’autres institutions existantes ou à créer de soins aux malades, en faveur des aveugles et des enfants arriérés. Les œuvres des missions «en pays païen» et les Arméniens persécutés ne furent pas oubliés non plus dans son testament15.

Sources:

  • archives des journaux suisses (e-newspaperarchives.ch).

Notes:

1 Une version raccourcie de cet article a paru dans Le Quotidien jurassien du 6 avril 2024, p. 9, sous le titre “Un grand coeur”.

2 Journal du Jura, Numéro 187, 13 août 1931. Etat civil de Tavannes, juillet 1931.

3 Le Jura, Volume 24, Numéro 103, 26 décembre 1874.

4 Le Jura, Volume 27, Numéro 41, 22 mai 1877. Annonce précisant qu’Aimé Marchand demeure à Reconvilier.

5 Journal du Jura, Numéro 146, 24 juin 1916, avis mortuaire.

6 https://www.cgaeb-jura.ch. Moutier, table des mariages.

7 Journal du Jura, Numéro 187, 12 août 1915. Avis mortuaire.

8 Nécrologie in ASJE, 1922, p. 93.

9 Le Jura, Volume 27, Numéro 41, 22 mai 1877. Le métier d’Aimé Marchand est spécifié dans l’annonce.

10 Le Jura, Volume 37, Numéro 18, 4 mars 1887.

11 Journal du Jura, Numéro 30, 5 février 1897.

12 Journal du Jura, Numéro 230, 28 septembre 1901.

13 Journal du Jura, Numéro 63, 17 mars 1921: avis de décès.

14 Notice nécrologique parue dans le Journal du Jura, Numéro 167, 21 juillet 1931.

15 Journal du Jura, Numéro 205, 3 septembre 1931 et Le Franc-Montagnard, Volume 33, Numéro 4387, 3 septembre 1931.

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