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Tschan, Jean-Daniel (1955-2024)


Tschan, Jean-Daniel (1955-2024)

Originaire de Sigriswil (BE),1 né à Moutier le 18 juin 19552 et décédé (au Noirmont ?) le 22 juillet 2024.3 Fils de Robert(-William), ouvrier à l’usine Schäublin, puis cantonnier et garde-police municipal, et de (Marie-Bertha-)Rose, née Berdat, de Pleigne, ouvrière d’usine dans l’entreprise Hélios d’Arnold Charpilloz,4 veuve de Charles-Aimé Flotiront, maire et député socialiste (†1952),5 les deux à Bévilard.

Jean-Daniel suit l’école primaire à Bévilard, puis le degré secondaire à Malleray. Durant son adolescence, il pratique la gymnastique, l’athlétisme et surtout le football et le ski (de descente et de fond, champion scolaire en 1971)6 au sein des clubs locaux. Il prolonge sa formation à Porrentruy, à l’École normale des instituteurs entre 1972 et 1976.7 On le surnomme alors «le Koeb».

Il prétendra plus tard être issu d’une famille «de gauche» et avoir découvert ce milieu à la lecture du journal socialiste La Sentinelle. Il se qualifiait également comme un «antimilitariste convaincu» et disait avoir été influencé par les idées de Mai 68!8 

Tschan s’engage pourtant en 1975 pour le maintient du district de Moutier dans le canton de Berne (signataire de l’appel des habitants du 29.08.75),9 puis au sein des mouvements antiséparatistes (président de la section Malleray-Bévilard du Groupe Sanglier, membre du comité directeur dès 1976).10 Il milite aussi au sein d’Unité bernoise. Soutenu par Force démocratique, qui le présente comme un homme «honnête, sérieux et digne de confiance»,11 il est élu facilement comme instituteur à Courtelary contre la titulaire remplaçante et quatorze autres candidats.12 Ses discours lors de différentes manifestations sont remarqués. La presse se fait l’écho de ses propos, notamment lors de la 4ème Fête de la jeunesse du Jura bernois de 1977, où il dénonce la «tromperie» que représente à ses yeux l’unité du Jura.13 Dans une autre harangue d’octobre 1978, il s’en prend aux «Nordistes annexionistes», aux «toxicomanes du séparatisme» et aux «mercenaires» en ville de Moutier.14 Au nom du groupe Sanglier, il préconise en conséquence la «scission de tout organisme, association ou fédération à caractère ʺjurassienʺ» et notamment de l’ADIJ, de Pro Jura et de l’Université populaire. Selon lui, la Fédération des communes du Jura bernois devait donc créer dans la région «des organismes du même genre en remplacement de ceux qui existent» et proposer au canton de Berne «de ne pas subventionner d’associations intercantonales».15

Le comité directeur du Groupe Sanglier en conférence de presse, avec JD Tschan à droite, en juillet 1977.

Il dira par la suite, au sujet de ce premier engagement politique dans le cadre de la Question jurassienne, que «ces années difficiles et passionnantes m’ont confronté à la passion, certes, mais aussi à la réflexion»!16 

Depuis 1978 et jusqu’en 1980, Tschan pratique le football au FC Court,17 localité dans laquelle il est également membre du Racing club.18 Il rejoindra ensuite le FC Sonceboz en 1982,19 puis le FC Saint-Imier. En 1979, il démissionne de son poste à Courtelary pour poursuivre des études à l’Université de Neuchâtel, en histoire, géographie et science politique semble-t-il. On le retrouve ensuite comme maître auxiliaire à l’école secondaire et à l’école de commerce de Saint-Imier,20 où il donne notamment des leçons d’allemand et d’histoire. Il y organise aussi des échanges avec des élèves de Grindelwald dans le cadre du 500ème anniversaire du traité de combourgeoisie de Moutier-Grandval avec Berne, opération «largement» subventionnée par le canton.21 En 1984, il démissionne «pour poursuivre ses études et se perfectionner à l’étranger».22

De retour à Saint-Imier un an plus tard, Tschan entraîne la seconde garniture du FC local. Il abandonne le poste «pour raisons professionnelles» après la promotion de l’équipe en 3e ligue. C’est à cette époque qu’on lui donne le surnom de «Timo».23 Tschan figure alors aussi sur la liste des signataires opposés à l’expulsion d’une famille de réfugiés.24 Autre changement majeur dans ses opinions et son attitude politiques, il participe l’année suivante à la fondation d’un nouveau parti imérien, intitulé Droit de regard, dont il est, et de loin, le membre le plus âgé. La presse le présente comme le principal animateur du mouvement qui, davantage qu’un programme, prône surtout une nouvelle attitude. Le parti dénonce «l’à-plat-ventrisme» et une «mentalité d’assistés consistant à attendre une manne providentielle [du canton] pour résoudre les problèmes auxquels la commune est confrontée». Il défend en particulier «l’assainissement et la protection des sites naturels, la promotion touristique, culturelle et sportive, et la possibilité d’offrir une place de travail sur place à tous les Imériens».25

Les dirigeant des clubs de football du vallon de Saint-Imier en réunion (juin 1989).

Droit de regard remporte 5 sièges aux élections de 1986 du Conseil général où Jean-Daniel Tschan figure parmi les élu(e)s.26 Le nouveau conseiller se fait très vite remarquer au sein de cette assemblée, dont il peine à respecter les règles de fonctionnement et qu’il tend à transformer en «opéra-bouffe», selon le maire.27 Mais il s’engage également dans la promotion économique de la commune qu’il représente notamment à la foire de Hanovre en 1987.28 Tschan, qui se décrivait comme «indépendant d’esprit, socio-libéral, quelque peu indomptable»,29 intègre aussi à cette époque l’école privée Interlangues, fondée en 1984 à Lausanne par Jean-Pascal Janin,30 probablement au moment de la création de la succursale de La Chaux-de-Fonds.31

Autres engagements conséquents de Tschan à Saint-Imier en 1988, la reprise de la présidence du FC Saint-Imier et la création du journal Droit de regard avec ses amis du même parti. Il assumera la direction du club local durant quatre ans, jusqu’à la relégation de l’équipe fanion en 3ème ligue,32 continuant par la suite à être actif en tant qu’entraîneur des juniors33 puis comme responsable de la section vétérans au sein du comité après la remontée en 2ème ligue.34 La même année 1988,35 il épouse Marinette Maillard (°30.10.1959) avec qui il adoptera deux enfants d’origine indienne.36

Interlangues connaîtra le succès et un développement constant, surtout en Suisse romande avec l’ouverture de nouvelles succursales à Neuchâtel (1987), Monthey (1988), Moutier (1990), etc. Jean-Daniel Tschan y devient responsable de celle de Neuchâtel dès 1993.37 En 1995, une scission (ou un partage?) semble s’être opéré au sein de l’entreprise. Le fondateur crée sa propre société anonyme à Lausanne sous la raison sociale Interlangues Janin SA. Tschan, qui a élu domicile cette année-là au Peu Péquignot,38 commune du Noirmont (JU),39 accède deux ans plus tard au poste de directeurs des deux écoles du canton de Neuchâtel.40 En 2002, il en prend la direction générale.41 Deux ans plus tard, l’entreprise compte deux nouvelles succursales à Bienne et à Soleure et plus de cent collaborateurs, dont une trentaine à plein temps.42 En 2005, les époux Tschan créent une société à responsabilité limitée pour chapeauter l’école de La Chaux-de-Fonds.43 Il est probable qu’une structure semblable sera adoptée pour celles de Neuchâtel, Bienne et Soleure.44

Jean-Daniel Tschan, directeur général des écoles d’Interlangues à La Chaux-de-Fonds, Neuchâtel, Bienne et Soleure, au milieu de l’équipe administrative (mars 2004).

À partir de 2008, Jean-Daniel Tschan fait à nouveau parler de lui au niveau politique. La publication du rapport final de l’Assemblée interjurassienne (AIJ) lui donne l’occasion de se manifester en prônant la création d’un nouveau canton englobant ceux du Jura et de Neuchâtel ainsi que la partie francophone de celui de Berne.45 Ce retour sur la scène publique se manifeste également par sa participation aux élections communales du Noirmont, où il est élu au Conseil communal sur une Liste ʺlibreʺ46 (réélu en 2012).47 En charge des finances, il représentera la commune au sein du conseil d’administration du Centre de loisirs de Saignelégier.48

En février 2008, au moment de la publication du rapport final de l’Assemblée interjurassienne.

Favorable à une réunion des cantons de l’Arc jurassien, Tschan se montre en revanche plus dubitatif en ce qui concerne une fusion des communes des Franches-Montagnes.49 En 2010, il adhère au Parti chrétien social indépendant (PCSI), pour lequel il se porte candidat aux élections au Parlement jurassien. Il est alors élu comme député suppléant au législatif cantonal. La mise en service de trois éoliennes au Peuchapatte à la fin de l’année va également le porter à la tête de Juravent, association d’opposants à ces installations,50 constituée le 24 février 2011.51 Il dénoncera de même les défaillances du réseau téléphonique dans l’Arc jurassien.52 Il disait à ce propos que la réalité de l’économie libérale l’avait progressivement poussé vers le centre et avoir trouvé dans le PCSI un «parti non doctrinaire de centre-gauche».53

En 2013, après avoir démissionné de sa charge de conseiller municipal au Noirmont en juillet,54 Tschan vend sa part et se démet de ses fonctions au sein de la Sàrl Interlangues de La Chaux-de-Fonds-Neuchâtel à la fin de l’année.55 Deux ans plus tard toutefois, il se porte à nouveau candidat du PCSI aux élections du Parlement jurassien, où il est élu cette fois comme titulaire aux côtés de David Eray, nouveau ministre.56 Comme député, Tschan s’est signalé par ses motions et interventions, notamment en faveur d’une hausse des allocations de naissance et d’adoption,57 contre la hausse des primes d’assurance-maladie,58 pour l’aide aux migrants mineurs non accompagnés59 et, bien sûr, contre l’extension du parc éolien dans le Jura.60 C’est d’ailleurs suite à la large adoption du Plan directeur cantonal sur l’énergie éolienne par le Parlement, décision contre laquelle il déposera en vain recours auprès de la Cour constitutionnelle,61 que Tschan abandonnera sa charge en février 2021, sous prétexte de laisser sa place «à quelqu’un de plus jeune».62 Il démissionnera aussi du PCSI, dont il avait présidé à cette époque la section du Noirmont63 et, semble-t-il, aussi celle des Franches-Montagnes.64 Il poursuivra néanmoins la lutte contre l’installation d’éoliennes dans la région jurassienne au sein de l’association Librevent.65 En 2022, il se retire totalement d’Interlangues en cédant sa part de la Sàrl Biel/Bienne à la société « ILT Languages GmbH ».66 Une des dernières interventions publiques de Tschan concerne le projet du parc éolien de la Haute-Borne, au-dessus de Delémont, concluant sa lettre ouverte en écrivant que «Les dirigeants du canton du Jura ne retiennent rien de l’histoire!».67

En février 2015, avec les membres du comité de Librevent.

La Neuveville, le 31 juillet 2024

Cyrille Gigandet


1 https://www.moneyhouse.ch/fr/company/interlangues-la-chaux-de-fonds-sarl-14322337051/messages.

2 Journal du Jura, Numéro 181, 5 août 1955. Etat civil de Bévilard.

3 Le Quotidien jurassien, 24.07.2024 p. 5 (nécrologie) et p. 9 (faire-part).

4 Jubilaire de l’entreprise Hélios en 1972 pour 20 ans de travail. L’impartial, 7 décembre 1972.

5 Journal du Jura, Numéro 305, 29 décembre 1952. Faire-part de décès.

6 Journal du Jura, Numéro 46, 25 février 1971.

7 Le Franc-Montagnard, Volume 73, Numéro 10461, 24 février 1972.

8 Propos et conviction rapportés par les auteurs des nécrologies parues dans Le Quotidien jurassien, 24.07.2024, p. 5 et Le Franc-Montagnard, 27.07.2024, p.2.

9 Journal du Jura, Numéro 201, 29 août 1975.

10 Journal du Jura, Numéro 232, 4 octobre 1976.

11 Journal du Jura, Numéro 146, 25 juin 1976.

12 L’impartial, 28 juin 1976.

13 Journal du Jura, Numéro 153, 4 juillet 1977.

14 Journal du Jura, Numéro 235, 7 octobre 1978. «Allocution prononcée par M. Jean-Daniel Tschan».

15 L’impartial, 4 décembre 1978.

16 Le Quotidien jurassien, 24.07.2024 (nécrologie).

17 Premier match avec le FC Court le 23.05.1978 à Lajoux.

18 Journal du Jura, Volume 118, Numéro 28, 4 février 1981.

19 Journal du Jura, Volume 119, Numéro 103, 5 mai 1982.

20 La nécrologie parue dans Le Franc-Montagnard le 27.07.2024 précise que Tschan a débuté en 1979 à ce nouveau poste, ce qui paraît un peu tôt si l’on considère que la formation au brevet secondaire durait alors 2 ans. Mais on peut supposer aussi une formation en cours d’emploi ou imaginer des appuis politiques pour occuper une place pour laquelle il ne possédait pas (encore?) les diplômes requis.

21 Journal du Jura, Volume 120, Numéro 198, 25 août 1983.

22 L’impartial, 30 juin 1984.

23 Journal du Jura, Volume 122, Numéro 140, 19 juin 1985 et Journal du Jura, Volume 122, Numéro 190, 16 août 1985.

24 Journal du Jura, Volume 122, Numéro 278, 27 novembre 1985.

25 Journal du Jura, Volume 123, Numéro 267, 14 novembre 1986, avec interview de J.-D, Tschan, présenté comme «animateur» mais qui ne fait pas partie du comité constitué le 7 novembre.

26 Journal du Jura, Volume 123, Numéro 287, 8 décembre 1986.

27 L’impartial, 6 mars 1987.

28 Journal du Jura, Volume 124, Numéro 67, 21 mars 1987.

29 Propos et conviction rapportés par l’auteur de la nécrologie parue dans Le Quotidien jurassien, 24.07.2024, p. 5.

30 Le Chablaisien, 21 septembre 1989.

31 L’impartial, 7 novembre 1986.

32 Journal du Jura, Volume 129, Numéro 155, 6 juillet 1992.

33 Journal du Jura, Volume 131, Numéro 195, 23 août 1994.

34 L’impartial, 3 juillet 2000 et 3 juillet 2001.

35 L’impartial, 12 octobre 1988. Etat civil de La Chaux-de-Fonds : promesse de mariage entre TschanJean Daniel et Maillard Marinette.

36 Nécrologie parue dans Le Franc-Montagnard, 27.07.2024, p. 2. Voir aussi le faire-part du Quotidien jurassien, 24.07.2024, p. 9.

37 FAN – L’express, 23 janvier 1993.

38 FAN – L’express, 26 février 2008 qui signale que Tschan habite depuis 13 ans dans cette commune.

39 Le Franc-Montagnard, Volume 97, Numéro 14143, 3 septembre 1996. Première mention de sa présence au Noirmont lors des «Quatre Foulées» de 1996, épreuve à laquelle il participera encore les deux années suivantes..

40 FAN – L’express, 8 septembre 1998.

41 FAN – L’express, 14 septembre 2002.

42 FAN – L’express, 5 mars 2004.

43 Interlangues (La Chaux-de-Fonds) Sàrl, à La Chaux-de-Fonds, avenue Léopold-Robert 76, CH-645-4097903-1. Nouvelle société à responsabilité limitée. Statuts du 17.01.2005. Capital de 20’000.- CHF partagés entre les deux conjoints, à raison de 19’000.- de parts sociales pour Tschan Jean-Daniel. FOSC.

44 C’est en tous les cas certains pour l’école de Bienne pour laquelle une Sàrl a été constituée en décembre 2009. FOSC.

45 FAN – L’express, 26 février 2008.

46 L’impartial, 4 novembre 2008.

47 L’impartial, 21 août 2012.

48 L’impartial, 13 mai 2009.

49 FAN – L’express, 17 juin 2009. Lettre ouverte.

50 FAN – L’express, 21 février 2011.

51 L’impartial, 20 avril 2013.

52 FAN – L’express, 21 février 2013.

53 Propos et conviction rapportés par les auteurs des nécrologies parues dans Le Quotidien jurassien, 24.07.2024, p. 5 et Le Franc-Montagnard, 27.07.2024, p.2.

54 L’impartial, 7 juin 2013.

55 FOSC, transaction enregistrée le 19.12.2013. Tschan et sa femme Marinette cède leurs parts à la Société Enecyd Sàrl et Jean-Daniel abandonne sa fonction de gérant.

56 L’impartial, 20 octobre 2015.

57 Le Franc-Montagnard, Volume 117, Numéro 16744, 24 janvier 2015.

58 Le Franc-Montagnard, Volume 119, Numéro 17042, 14 mars 2017.

59 Le Franc-Montagnard, Volume 118, Numéro 16976, 29 septembre 2016.

60 Le Franc-Montagnard, Volume 119, Numéro 17100, 29 août 2017.

61 Le Franc-Montagnard, Volume 122, Numéro 17482, 25 juin 2020.

62 Le Franc-Montagnard, Volume 122, Numéro 17439, 28 janvier 2020.

63 Le Quotidien jurassien, 24 août 2022, qui le qualifie de «responsable de la section locale».

64 Le Franc-Montagnard, Volume 126, Numéro 18047, 27 juillet 2024, nécrologie. Mais aucun article de journal ne fait mention de cette présidence.

65 Voir à ce sujet l’hommage de l’association dans Le Franc-Montagnard, Volume 126, Numéro 18047, 27 juillet 2024 et Le Quotidien jurassien, 26 juillet 2024.

66 FOSC, transfert de patrimoine enregistré le 12.12.2022 contre un montant de 75’000.- CHF.

67 Le Quotidien jurassien, 15 mars 2024, Courrier des lecteurs.

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